ITINÉRANCE À MONTRÉAL

Au-delà des apparences

Les clochards célestes, célèbre roman de Jack Kérouac, symbolise bien comment on nommait les gens de la rue « dans le bon vieux temps ». Aujourd’hui, le terme est éculé, non par une rectitude politique de bon aloi, mais plutôt parce qu’au fil des ans, la réalité a profondément changé.

De nos jours, l’itinérance est multiple. Elle a plusieurs visages et se conjugue aux diverses réalités de la métropole. Selon la Politique de lutte à l’itinérance adoptée au Québec en 2014, « l’itinérance désigne un processus de désaffiliation sociale et une situation de rupture sociale… ». Cette rupture peut être causée par différents facteurs d’ordre personnel – perte d’un proche, d’un emploi, d’un logement, rejet de la famille, violence, etc. À cela, il faut nécessairement ajouter des causes plus objectives, tel le logement (pénurie ou abordabilité), le désengagement de l’état dans les programmes sociaux, etc. C’est pour décrire ce phénomène en développement que le RAPSIM a publié son document intitulé L’itinérance à Montréal : au-delà des chiffres.

PLUS QUE LE CENTRE-VILLE

Il est d’un certain intérêt d’avoir recensé le nombre de personnes itinérantes, comme la Ville de Montréal l’a fait le 24 mars 2015. Ceci permet de savoir qui a été vu cette journée-là. La réalité est toutefois plus complexe et diversifiée. C’est comme si on recensait les fans de Marie Mai à la seule vente de billets de spectacles et de disques. Cela a ses limites.

Le centre-ville de Montréal est bien connu pour sa population itinérante. Mais nous ne voyons que la partie visible de l’itinérance. Aujourd’hui, le phénomène est multiple et se vit aussi aux quatre coins de la ville.

Tout d’abord, mentionnons que les femmes, qui sont moins enclines à vivre dans la rue que les hommes, n’en vivent pas moins les effets néfastes de l’itinérance. Elles se retrouvent dans des centres d’hébergement, qui doivent souvent en refuser, chez des amies, un ex-conjoint, voire un client pas toujours bien intentionné.

Il y a aussi de plus en plus de personnes autochtones qui vivent cette situation. L’itinérance autochtone provient très souvent du désir de fuir des conditions de vie déplorables (violence, pauvreté extrême, etc.). Le problème d’intégration (l’emploi, le logement) est un des facteurs expliquant la situation. Le désenchantement est brutal !

Les jeunes font également partie intégrante du portrait. Parfois visible, souvent moins. Ces jeunes ne sont pas tous « à la rue » ou dans des ressources communautaires. Ils peuvent vivre dans un squat, ou partager un petit logement à plusieurs. Pas dans le sens d’une saine colocation, mais par non-choix. À ce sujet, notre document aborde, entre autres, la question de l’itinérance dans l’Ouest-de-l’Île. Trente jeunes étudiants dans une école pour adultes ne se considéraient pas comme itinérants. Lorsqu’on leur a demandé s’ils avaient passé plus de 48 heures sans toit, ils ont tous répondu oui.

L’itinérance n’est pas toujours chronique, elle peut être cyclique ou même situationnelle. Dans le document, nous mentionnons que « quatre itinérants sur cinq ne vivent pas dans la rue, selon l’organisme Raising the Roof ».

UNE APPROCHE GLOBALE ET PRÉVENTIVE

À l’approche des budgets des gouvernements du Québec et du Canada, le RAPSIM considère qu’il est temps de remettre les pendules à l’heure et d’investir dans la prévention, le logement social, l’éducation et plus encore. Le temps de l’austérité doit appartenir au passé. Le fédéral de son côté doit revoir l’approche privilégiée par l’ancien régime et revenir à un financement accru de la lutte à l’itinérance en ayant une approche globale.

Montréal, pour sa part, a de grandes ambitions depuis l’arrivée de l’administration du maire Coderre. La Ville de Montréal ne peut pas tout faire seule et c’est pourquoi elle doit interpeller encore plus intensément les deux gouvernements pour qu’ils prennent leurs responsabilités. Par contre, le maire peut faciliter la mise en œuvre de maisons de chambres. La Ville peut aussi faire des réserves de terrains ou de bâtiments pour faciliter le développement de logements sociaux.

La lutte contre l’itinérance n’est pas un luxe.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.